Je m’appelle Davy Cotting. Je souhaite partager l’incroyable histoire de ma femme, Anaïs.
Nous partageons nos vies depuis 13 ans. Notre fille, Chloé, a maintenant quatre ans. Nous vivons dans un petit village de campagne en France.
Il y a un an, à 35 ans, Anaïs était en excellente santé. Elle n’avait aucune maladie ou comorbidité connue et ne recevait aucun traitement médical spécifique.
Elle travaillait comme aide-soignante depuis plusieurs années. Quelques jours après son quart de nuit à l’hôpital, le dimanche soir 5 mars 2023, Anaïs a commencé à avoir mal à la tête.
Le lundi 6 mars, elle consulte son médecin qui lui diagnostique un syndrome grippal. Les premiers symptômes ne semblaient pas alarmants : juste un état grippal accompagné d’une légère fatigue, d’une toux et d’une légère fièvre.
Le 8 mars, j’ai déposé notre fille, elle aussi tombée malade, chez sa grand-mère pour que ma femme puisse se reposer. Plus tard, Anaïs, fatiguée, s’est couchée. À 21h20, elle s’est réveillée pour me dire qu’elle ne se sentait vraiment pas bien et qu’elle voulait dormir en bas sur le canapé.
J’ai trouvé une tache de sang dans la chambre et je suis immédiatement descendu et j’ai demandé à ma femme d’où venait le sang. Elle a répondu « Oui », et qu’elle avait également des difficultés à respirer et qu’elle ressentait des douleurs à la poitrine.
J’ai immédiatement appelé les urgences et on m’a conseillé de consulter un médecin généraliste de garde, situé dans l’hôpital où travaillait Anaïs. Ils m’ont également demandé si je pouvais conduire ma femme moi-même.
A la clinique, le médecin, alarmé par son état, a mesuré sa saturation en oxygène (SpO2). Il a été très surpris par le résultat de 80 %. Un niveau normal de SpO2 se situe entre 95 % et 100 %. Un niveau de SpO2 aussi bas, indiquant un très faible taux d’oxygène dans le sang, nécessite une intervention médicale urgente.
Il a appelé les secours médicaux d’urgence pour demander une ambulance d’urgence avec de l’oxygène ou une unité mobile de soins intensifs (SMUR) et une ambulance avec une bouteille d’oxygène a été dépêchée.
Lorsque les ambulanciers sont arrivés, environ 20 minutes plus tard, ils ont utilisé un moniteur de saturation en oxygène, qui indiquait 72 %. Ils lui ont administré de l’oxygène et l’ont immédiatement transférée à l’hôpital Emile Muller de Mulhouse, un hôpital plus grand équipé d’un service d’urgences et de réanimation médicale.
‘Préparez-vous au pire’
A 23h12, Anaïs arrive en salle de réanimation et j’attends anxieusement dans la salle d’attente, submergé par le stress.
A minuit, deux médecins sont venus me chercher et m’ont rapidement posé une série de questions : « Avez-vous voyagé ? Prend-elle des médicaments ? Connaissez-vous des allergies ? A-t-elle des antécédents médicaux ? Des opérations récentes ?
J’ai répondu négativement à toutes ces questions. C’est à ce moment-là qu’ils m’ont informé de son état critique.
J’étais choqué.
Les médecins m’ont permis d’entrer dans la zone de réanimation, où il y avait huit infirmières et médecins autour d’elle. J’ai pu passer 10 minutes aux côtés de ma femme. Elle était en détresse totale, paniquée. Son regard semblait dire “Je t’aime, prends soin de notre fille Chloé”. Elle ne pouvait plus parler, elle s’étouffait et avait du mal à respirer.
Ils décidèrent de procéder en urgence à une intubation. J’ai immédiatement donné mon accord.
Le 9 mars à 05h42, un médecin m’a emmené au bureau de ma femme. J’ai été choqué de la voir sous respirateur, avec un tube dans la bouche, et de nombreux câbles connectés à des pousse-seringues automatiques allant directement dans son artère du cou (carotide) [DN : plus probablement veine jugulaire] ainsi qu’un respirateur l’aidant. sa respiration
L’anesthésiste m’a prévenu en disant : « Vous pouvez lui parler ; on ne sait jamais si les patients peuvent entendre ou pas…’
Alors le médecin m’a dit : « Monsieur, savez-vous ce qu’est une défaillance totale d’un organe ?
J’ai répondu oui.
Il a continué,
« Malheureusement, nous en sommes arrivés là. Son cœur bat à 138 battements par minute et tente de compenser le maque d’oxygène ; c’est un véritable marathon pour une personne de son âge et on espère que le cœur tiendra le coup. Concernant les poumons, le scanner montre une image blanche comme du yaourt ; il n’y a aucune fonction pulmonaire visible ; il est rempli de mucus et nous ne savons pas si nous pourrons restaurer la fonction pulmonaire. Les reins sont défaillants… nous l’avons mise sous dialyse. Rentrez chez vous et préparez-vous sérieusement à une mort. D’ici 48 heures, nous aurons une image plus claire.
A 9h42, on m’a dit que son état était instable et qu’il fallait la placer d’urgence sous Oxygénation extracorporelle (ECMO) – une intervention médicale critique utilisée lorsque les fonctions vitales du cœur ou des poumons sont gravement compromises. Elle est souvent utilisée en dernier recours.
Les tests confirment l’infection par la grippe
Des analyses de sang ont révélé la grippe A. De plus, les globules blancs et les plaquettes étaient presque absents. Face à ces données, le pronostic des médecins est devenu alarmant : « On a l’impression qu’elle nous échappe ».
Le lendemain, 10 mars, j’ai été informé d’une nécrose des extrémités des mains et des pieds par choc septique. Son pied était noir aux extrémités et violet jusqu’au genou, tandis que ses doigts noircissaient également au bout, et sa main prenait une teinte bleutée.
Le 17 mars, Anaïs a fait face à de graves complications, notamment deux pneumothorax et un épanchement pleural qui a dû être drainé.
Le 28 mars. Anaïs s’est réveillée mais ne pouvait pas parler. Nous communiquions par le biais de clignements d’yeux : un clignement pour « oui », deux clignements pour « non ». Elle était très stressée et effrayée, comprenant la gravité de la situation. Elle a vu ses mains et a vite compris qu’il y aurait des conséquences irréversibles.
“Un cauchemar éveillé”
Je lui ai parlé, j’ai essayé de la rassurer. D’un côté, j’étais heureux de la voir réveillée, mais de l’autre, terrifié à l’idée que ses pieds aussi soient noirs. Sa tension artérielle était déjà très élevée et elle ne pouvait clairement pas exprimer ses peurs et ses sentiments.
Le 30 mars, l’équipe médicale m’a demandé mon accord pour réaliser une trachéotomie, pour favoriser la respiration et tenter de la sevrer de l’ECMO. Le 3 avril, elle a développé de la fièvre et a connu la pire complication potentiellement mortelle : « une surinfection sous ECMO ».
On m’a dit que les chances de guérison étaient évidemment très minces et que les médecins n’avaient pas encore identifié le micro-organisme responsable.
L’équipe a décidé d’effectuer un positionnement couché, nécessitant l’intervention de huit personnes pendant environ une heure.
Finalement, le repositionnement a fonctionné.
Anaïs a été réveillée pour la troisième fois le 16 avril. Le 17 avril, l’ECMO a finalement été retiré. Simultanément, ils tenteraient de réduire la dialyse pour évaluer la fonction rénale.
Toutefois, cette amélioration fut de courte durée. Le 19 avril, Anaïs a eu une puissante réaction allergique.
Anaïs souffrait énormément. Bien qu’éveillée, la douleur l’empêchait de communiquer.
Elle pouvait voir mais ne pouvait pas bouger ; elle pouvait entendre mais ne pouvait pas répondre.
Je n’osais même pas imaginer combien de temps ses journées étaient pour elle et ce qu’elle pouvait penser.
La peur et le risque d’un revers étaient très présents pour moi ainsi que pour le staff médical.
Le 27 avril, Anaïs se réveille, consciente et sans douleur. Même si elle ne pouvait pas parler, elle parvenait à écrire sur une tablette malgré la nécrose de ses doigts. Ses premiers mots écrits sur la tablette ont été : ‘J’ai soif, j’ai envie de boire’, ‘Je t’aime, comment va Chloé ?’.. J’ai également pu apporter son téléphone portable pour que nous puissions communiquer quand elle le souhaitait.
Le lendemain, c’est un chirurgien vasculaire qui lui fait part d’un projet d’amputation de ses pieds au niveau du 1er métatarsien, ainsi que de quatre phalanges aux mains. Cette nouvelle la plonge dans une intense dépression, la remettant en question sur le sens de sa survie.
Je me sentais complètement dépassé, impuissant et attristé. Je ne savais pas quoi dire ni comment l’aider à retrouver le moral. J’ai compris qu’elle avait besoin de temps pour assimiler cette nouvelle et accepter la situation.
Entendre à nouveau sa voix
Le 4 mai, on constate une amélioration significative de l’état général d’Anaïs. Elle n’avait presque plus besoin d’oxygène. Sa tension artérielle auparavant instable s’améliorait. Les médecins ont arrêté la dialyse et ses reins ont progressivement repris leurs fonctions.
Une infirmière a placé une nouvelle canule de trachéotomie et j’ai enfin entendu à nouveau la voix de ma femme.
Elle retrouvait progressivement la mémoire et pouvait commencer à manger toute seule, après avoir été nourrie jusque-là.
Son état a continué à s’améliorer progressivement et la canule de trachéotomie a été retirée le 14 mai. Le 15 mai, Anaïs sort du service de réanimation. L’ensemble de l’unité lui a rendu hommage avec une haie d’honneur la nommant « Miraculous Phoenix » en raison de son remarquable rétablissement.
Anaïs a passé 69 jours en service de soins de réanimation médicale où elle a frôlé la mort à plusieurs reprises, notamment :
- 61 jours sous respirateur
- 57 jours sous dialyse continue
- 40 jours sous ECMO
Le 20 mai dernier, notre fille Chloé a enfin pu voir sa maman après plus de deux mois et demi de séparation. Le 1er juin, les chirurgiens ont pratiqué les deux pieds au niveau du 1er métatarsien et les quatre phalanges des doigts (le pouce, l’index et l’annulaire du côté gauche, et l’auriculaire du côté droit).
Le 22 juin, une deuxième intervention chirurgicale a été nécessaire pour retirer un morceau d’os en excès de son pied gauche. La cheville du pied gauche est restée gelée.
Le chirurgien propose une troisième amputation : « Si on laisse le pied tel quel, tu ne pourras pas marcher. Si nous effectuons une amputation 10 cm en dessous du genou, vous pourrez utiliser une prothèse et retrouver la capacité de marcher. La décision était déchirante mais nécessaire. Le 15 juillet, Anaïs subit cette troisième amputation.
Le 2 août, notre fille a fêté ses 4 ans, et c’est ensemble, à l’hôpital.
Le 10 août, Anaïs est transférée au service de rééducation.
Réhabilitation : un long chemin
Anaïs a fait preuve d’une incroyable détermination pour retrouver sa mobilité et reprendre une vie normale durant sa rééducation. Dès le premier jour, elle a commencé à utiliser un fauteuil roulant. Une semaine plus tard, elle a commencé à marcher avec des prothèses et des barres parallèles. Deux semaines plus tard, elle a réussi à marcher avec des béquilles. Et deux semaines plus tard, Anaïs a réussi à marcher avec juste des béquilles. Actuellement, Anaïs peut même marcher sur une courte distance sans aucune aide.
Anaïs est toujours confrontée à un handicap pulmonaire important, qui l’épuise considérablement lors d’efforts prolongés.
Le jour de mon anniversaire le 16 septembre, à 9 heures du matin, la sonnette a sonné et j’ai trouvé ma femme debout dehors. C’était et ce sera à jamais la plus belle surprise d’anniversaire.
Le 22 décembre 2023, Anaïs rentre chez elle. Son combat pour la vie, son amour pour Chloé et moi nous avons réunis. Nous aspirons à retrouver une vie « normale » malgré les défis liés au handicap et les bouleversements importants au sein de notre famille. Elle aura cependant besoin de visites régulières d’une infirmière à domicile et devra se rendre à l’hôpital trois fois par semaine pour poursuivre sa rééducation.
Ma vie a été profondément bouleversée et émotionnellement difficile. Outre les visites très fréquentes à l’hôpital, j’ai assumé seule la responsabilité de m’occuper de notre fille Chloé pendant les longs mois d’hospitalisation, alors qu’elle ressentait profondément l’absence de sa mère pendant cette période.
J’ai perdu mon emploi au bout de six mois. L’impact psychologique et l’anxiété ont eu un impact profond sur moi. Mon épouse a également réalisé qu’elle ne pourra plus continuer sa carrière d’infirmière auxiliaire comme avant.
Je dois trouver un emploi tout en considérant l’importance de mes obligations familiales, d’autant plus que nous ne sommes pas en mesure de déménager facilement.
Nous devons repenser notre situation de logement car notre maison est construite sur deux niveaux et nous devrons l’adapter et remplacer notre voiture.
Pourquoi nous partageons notre histoire
Nous partageons notre histoire parce que nous ne voulons pas que cela arrive à quelqu’un d’autre. Cela peut arriver à n’importe qui, c’est pourquoi nous souhaitons partager ce qui suit.
- La vaccination reste la seule protection efficace contre les virus de la grippe.
- Changer la perspective sur la vaccination contre la grippe est crucial. La grippe n’est pas seulement un rhume ; elle peut être mortelle, et pas seulement chez les personnes âgées ou fragiles.
- L’impact d’un handicap sur la vie est énorme. Un accident ou une maladie peuvent ne pas donner d’avertissement.
- Partager notre expérience est aussi une façon de rappeler à quel point la vie est précieuse. Il est essentiel d’en profiter pleinement car on ne sait jamais comment ni quand cela va se terminer.
- Trouver du soutien : Si vous souhaitez soutenir Anaïs dans son combat pour améliorer son quotidien, j’ai mis en place une campagne de collecte de fonds sur le sitehttp://Soutienanais.fr
Au-delà de l’aspect financier, votre contribution lui apportera également un soutien psychologique en lui montrant qu’elle est entourée et soutenue par un grand nombre de personnes. Vous pouvez également laisser un message de soutien à Anaïs en envoyant un email àaideanais@email.fr. Vos mots d’encouragement seront grandement appréciés.
Un immense MERCI à tous les professionnels de santé qui, par leur dévouement, leur engagement et leur expertise, œuvrent chaque jour pour le bien-être et la santé de chacun. Votre détermination et votre compassion font toute la différence. Nous sommes immensément reconnaissants pour votre soutien et votre travail inestimable. Et tout particulièrement au personnel du GHRMSA.